Chronique, Projet Ombre

Aucun Souvenir Assez Solide, Alain Damasio

Pour cette chronique, je vais vous parler d’une lecture dans le cadre du Projet Ombre #ProjetOmbre. Il s’agit du recueil de nouvelles “Aucun souvenir assez solide” de Alain Damasio, auteur du superbe roman la Horde du contrevent.

Cet ouvrage, lu pour ma part dans sa version poche aux éditions Folio SF,  se constitue de 10 nouvelles de longueurs variables. Je vais revenir rapidement sur chacune des nouvelles, lues progressivement au cours des semaines du mois de Janvier. Les thématiques sont assez classiques pour du Damasio. On retrouve notamment des textes autours de sociétés hyper-technologiques et d’hyperconsommation où mêmes les mots sont à vendre, et d’autres qui soulignent la dynamique et l’inventivité de l’écriture de Damasio, comme c’était déjà le cas dans La Horde, notamment au travers du personnage de Caracole. 

Au début de ma lecture j’ai eu un peu de mal à ré-accrocher sur le style de Damasio, et je crois que j’en avais  un peu assez de lire des textes critiques axés sur l’hyper-technologie. Mais sans surprise, la lecture de ce recueil a finalement été un vrai bonheur, avec quelques textes dont je me souviendrai longtemps. 

Les hauts parleurs

Malgré mon début de lecture difficile, je peux vous dire avec le recul que cette première nouvelle marque une très belle entrée dans le recueil. Ici, les mots deviennent un produit, un bien sous copyright. Fini la liberté d’utiliser à tout va des mots aussi simples et banaux que “chats”, il faut payer le prix pour s’autoriser le privilège du discours. Un groupe lutte contre cette privation des mots et la restriction de leur liberté d’utilisation, les hauts parleurs. Ils comptent dans leur rang un personnage digne d’un Caracole, qui sculpte avec les mots avec un infini talent. 

Annah à travers la harpe

Cette deuxième nouvelle est très différente, mais très poétique et touchante. On aborde ici le thème de la mort, celle d’une petite fille, qu’un père va tenter de retrouver en faisant appel à un chaman. C’est ici un voyage dans les souvenirs qui devrait permettre de “recréer” cette enfant perdue. En image de fond, on retrouve tout de même ce monde hyper-technologique bourré d’équipements de surveillance en tout genre qui marquent bien leur inutilité. L’ambiance de cette nouvelle est tout de même assez étrange et onirique. Je l’ai lue en tentant de ne pas trop réfléchir, mais en me laissant porter et en m’y immergeant comme dans un rêve…

Le bruit des bagues 

Celle-ci est une nouvelle très courte, pour laquelle je ne dirai que très peu de choses car je n’ai pas vraiment accroché. On retrouve ici un univers ultra contrôlé où tout se vend et s’achète. Chaque individu porte une bague qui enregistre à peu près toutes ces données, permettant ainsi de cibler parfaitement les produits de ventes en fonction du consommateur. 

C@pch@

Dans cette nouvelle, nous faisons face à une espèce de Hunger Game réinventé, où il faut participer à une course pour traverser la “ville” (qui sépare les enfants et les parents) en évitant toutes sortes de pièges visant à dématérialiser et intégrer dans le réseau le concurrent. A chaque piège, la personne perd une partie de ses données personnelles, son identité, et se déshumanise progressivement pour être transformée en.. quoi ? même sur les réseaux sociaux, jeu en ligne ? Dans cet univers étrange, les enfants en viennent à manger du matériel informatique. Un petit groupe s’organise pour tenter de leurrer le réseau, et d’obtenir une chance d’éviter de devenir un avatar au sein du réseau. 

Texte sympathique mais ce n’est clairement pas un de mes préférés. 

So phare away

Celle-ci fait partie des nouvelles que j’ai préférées, j’ai beaucoup aimé l’ambiance et l’univers. Dans ce monde existe une marée étrange, qui monte régulièrement et recouvre les villes d’un goudron duquel naissent immeubles et autres bâtiments. Au sein de cette immense ville débordant de bitumes se dressent des phares, capables de communiquer entre eux par le biais de sources de lumières. Si ce système fonctionnait lorsqu’ils n’étaient qu’une poignée, l’augmentation de leur nombre en vient à polluer et dénaturer leurs messages, les noyant dans une soupe de lumière et de projections publicitaires. Les messages sont ainsi véhiculés sans émotion ni raisonnement, si bien que leur contenu en vient à être parfois totalement altéré. 

Mais au milieu de ce nid de phares, deux âmes se parlent et partagent de tendres sentiments… à la fin cruelle et déchirante. 

Les hybres

Cette nouvelle conte l’histoire d’un artiste qui ne créait plus rien depuis quelques années. Face à la nécessité de se renouveler et de créer une œuvre nouvelle, il part chasser une nouvelle création…

El levir et le livre

Cette nouvelle est clairement d’une très grande qualité. Par certains aspects, elle m’a fait pensé la Horde; on y retrouve par moment un vocabulaire familier: ressac, vague, glyphe…

Il est ici question d’un scribe, El levir, qui a la charge d’écrire Le livre. Attention tout de même, on parle d’un livre qui répond à des critères stricts : premier mot sur un parchemin, puis chaque mot sur une surface différente… C’est ainsi que tout support, quel qu’il soit, rideau de pluie, sable ou encore vol d’oiseaux, peut devenir porteur de ces lettres. El levir se lancera corps et âme dans l’écriture, dans l’espoir d’y apposer ce point final qui déterminera l’ensemble de la ponctuation..

Sam va mieux

Un homme et son enfant recherchent des survivants, et une manière de retrouver un lien avec un monde vide. On y aborde les notions de solitude et de résilience.  Cette nouvelle est assez étrange et ne m’a pas complètement transportée.

Une stupéfiante salve d’escarbilles de houle écarlate

Ile, un aéromaitre, contracte le mu, une espèce de force étrange pleine de mouvement qui, chez lui, agit les émotions. Une course est organisée entre différents réceptacles du mu, pour déterminer lequel est le plus à même de le conserver. L’homme paraît ici bien pâle face à des inventions et animaux étranges et vifs, comme le papillon de poussière. 

On retrouve ici un récit à plusieurs voix, qui n’est pas sans rappeler la Horde et les Furtifs, par les thématiques du mouvement, du vif, et la relation particulière du mu avec la matière…

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