Chronique

Les Griffes Et Les Crocs, Jo Walton

Pour cette nouvelle chronique, je vais vous parler d’un ouvrage de Jo Walton, bien connue en SFFF pour des titres comme Morwenna ou Mes vrais enfants. De mon côté, je la découvre avec Les griffes et les crocs, mais je ne manquerai pas d’en lire plus!

Pour ce livre, malgré les deux beaux dragons qui ornent la couverture de l’édition poche, il ne faut pas s’attendre à de la fantasy classique. En réalité, l’intrigue tourne autour des déboires de l’aristocratie dragonienne dans une ambiance victorienne tout à fait délicieuse. On est un peu sur un Downtown Abbey entre écailleux (enfin ça correspond à l’idée que je m’en fais car je n’ai jamais regardé). Il est question ici de dragons qui se partagent un héritage : l’or et le droit de déguster la carcasse du défunt Bon Agornin. 

Et un joli marque page par Elizabeth-Rose Best

L’illustre Daverak, sa femme et leurs dragonnets s’octroient une part immense de la carcasse de Bon Agornin, qui aurait, d’après le reste de la famille, dû revenir aux autres enfants de Bon. Et cette question n’est pas une mince affaire, car figurez vous que la chair de dragon est un met très particulier pour nos petits dragons. C’est la seule nourriture qui leur permet réellement de grandir. Par grandir, j’entends vraiment prendre en taille, devenir le plus volumineux de tous les dragons. Et qui dit gros dragon dit respect et capacité d’avoir le dessus plus facilement lors d’un duel. Cette nécessité va de paire avec certaines pratiques dans la société dragonesque et avec la furieuse manie de certains dragons hauts placés de croquer les dragonnets un peu trop chétifs de leur domaine ou les serviteurs un peu trop âgés. 

Vous l’aurez compris, cette querelle entre Daverak et le reste de la famille ne restera pas sans suite. Avan, l’un des fils de bon, va en effet poursuivre Daverak en justice pour n’avoir pas respecté les volontés de Bon Agornin. 

Suite à la mort de Bon, ses deux filles, Haner et Selendra, privées de leur maison et de la protection de leur père, sont séparées et vont vivre respectivement chez Daverak et Penn, l’un des frères. C’est un gros coup dur pour elles, qui sont très proches.

Au cours du récit, on suit donc les vies mouvementées des deux sœurs, qui doivent gérer leurs vies sociales et diverses demandes en mariages, et le récit de la mise en justice de Daverak par Avan. On découvre peu à peu les caractéristiques de cette société au style victorien. Les “grands dragons” sont nommés exaltés, dignes ou encore éminents, et gèrent leurs domaines et domestiques d’une poigne de fer. Les rapports entre mâles et femelles sont très codifiés; par exemple, les dragonnelles sont accompagnées de chaperons pour sortir. Et ce n’est pas pour rien, car pas question de s’approcher trop près d’un de ces messieurs dragons sans que cela ne se voit… Les dragonnelles prennent en effet une teinte rose bien caractéristique dès qu’elles entrent dans une relation intime avec un cher monsieur dragon. Découvrir les codes de cette société est un vrai plaisir tout au long du récit. Ils apportent parfois un aspect assez absurde mais très sympathique : imaginez donc des dragons juges au tribunal qui alternent entre leurs différentes perruques, ou ces dragonnes qui se couvrent de jolis chapeau pour sortir et briller en société!

Dans ce récit on voit bien les difficultés des deux sœurs à évoluer dans cette société et ses traditions. Les inégalités mâles femelles sont très apparentes; la vie des dragonnes dépend énormément de la taille de leur dot, qui impacte fortement leur possibilité de mariage. Et dans ce monde pas question de se marier sur du sentiment, il faut bien sûr trouver un dragon de son rang. 

En parallèle, une des deux sœur commence à se préoccuper de la manière dont sont traités les serviteurs et à remettre en question une bonne partie de se système. Il faut dire que ces pauvres serviteurs risquent fort d’être croqués si ils sont malades ou désobéissent. 

Au final, j’avais au début un peu de mal à imaginer cette société peuplée de dragons, mais je me suis laissée prendre au jeu de ces intrigues croustillantes, qui gagnent en qualité au cours du récit. Le tout est porté par une très belle écriture qui se lit facilement. C’est original et plutôt décalé, bref, un vrai délice ! 

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